Septembre ! Septembre !
Cueilleur de fruits, teilleur* de chanvre,
[* Celui qui bat, qui broie la tige des plantes textiles (lin, chanvre) pour séparer les parties ligneuses de la fibre.]
Aux clairs matins, aux soirs de sang,
Tu m’apparais
Debout et beau,
Sur l’or des feuilles de la forêt,
Au bord de l’eau.
En ta robe de brume et de soie,
Avec ta chevelure qui rougeoie
D’or, de cuivre, de sang et d’ambre
Septembre !
Avec l’outre de peau obèse,
Qui charge tes épaules et pèse,
Et suinte à ses coutures vermeilles
Où viennent bourdonner les dernières abeilles !
Septembre !
Le vin nouveau fermente et mousse de la tonne
Aux cruches ;
La cave embaume, le grenier ploie ;
La gerbe de l’été cède au cep de l’automne,
La meule luit des olives qu’elle broie.
Toi, Seigneur des pressoirs, des meules et des ruches,
O Septembre ! chanté de toutes les fontaines,
Ecoute la voix du poème.
Le soir est froid,
L’ombre s’allonge de la forêt
Et le soleil descend derrière les grands chênes.
Le mois de septembre, mois des vendanges, à côté du domaine royal de Saumur, château de Louis II d’Anjou, roi de France.
Quelques notes sur l’auteur et sur ce poème:
- Né à Honfleur en 1864, mort à Paris en 1936, Henri de Régnier fit des études de droit, puis très vite ses goûts le portèrent vers la littérature, il collabora à toutes les revues françaises ou belges, organes du mouvement symbolisme, et évolua vers des formes poétiques plus traditionnelles. Il fréquenta Verlaine, Mallarmé et épousa en 1895 la fille aînée de José-Maria de Heredia.
- A travers cette atmosphère du mois de septembre lumineuse, colorée, dans le cadre de la nature, le poète nous fait l’éloge lyrique de l’automne. Il nous dépeint l’atmosphère particulière du mois de septembre , en détaillant la vie de ce mois qu’ il décrit avec un champ lexical de la nature très présent tout le long du texte « fruits »« feuilles » et « forêt » « eau ».
- En outre, il exprime la présence de couleurs vives «sang », « or » ainsi qu’une oxymore (figure de style qui consiste à allier deux mots de sens contradictoires.) : « aux clairs matins, aux soirs de sang » qui oppose le clair du matin et l’obscur de la nuit.
- Puis, l’auteur retranscrit la vie de ce mois, lui donne vie en le personnifiant en lui appropriant les métiers de « Cueilleur de fruits » et de « teilleur de chanvre » , en utilisant des termes propres à l’humain « ta robe » , « ta chevelure » , « ton épaule » (qui sont des mots se rapprochant du physique d’une femme) !
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