En cet automne, ami jardinier, soucieux d’environnement, écoute-moi … j’ai besoin de ton aide. Apprends à me connaître et tu commenceras, peut-être, à m’aimer !
Moi araignée, mon physique t’effraie.
J’ai, à tort, mauvaise réputation.
- Moi, araignée épeire diadéme (Araneus diadematus), avec mes 8 pattes démesurées et mon corps étranglé au centre, je suscite bien des fantasmes.
- Ma bouche n’arrange rien. Je possède deux crochets (chélicères) qui me servent à attraper mes proies et à leur injecter un venin paralysant, contenant des enzymes digestives qui vont dégrader, décomposer (on dit « lyser« ) les tissus internes de ma proie. J’ai du temps pour déguster mon repas. J’aspire le liquide afin de m’en nourrir. .. Je ne laisse qu’une carcasse vide.
Moi araignée, je suis inoffensive.
Seules mes cousines, la veuve noire et la tarentule sont susceptibles, en de très rares circonstances de morsures douloureuses. Moi, lorsqu’il m’arrive de croiser ton chemin, je choisis la fuite.
Mais si tu as peur, je te comprends. La tête de certaines de mes sœurs peut t’effrayer. D’ailleurs une personne sur 4 souffre d’arachnophobie, c’est à dire de la peur des araignées.
Sache que les morsures d’araignées sont peu dangereuses, comparativement aux piqûres de guêpes, d’abeilles, de moustiques !
Moi araignée, je déploie une élégante toile.
C’est surtout en automne que je tisse ma toile de forme géométrique, la plupart du temps hexagonale.
En cette période de rosée matinale, au lever du soleil, je t’offre un spectacle inoubliable.
Jules Renard affirmait: « Quelques gouttes de rosée sur une toile d’araignée et voilà une rivière de diamants.»
En outre, certains chercheurs s’intéressent à mon fil de soie qui serait encore plus résistant que celui des vers à soie. Une équipe de chercheurs a eu l’idée de renforcer la toile d’araignée, matériaux déjà incroyablement robuste, avec du graphène et des nanotubes de carbone. Et le résultat est fascinant.
«La soie d’araignée est aussi solide que l’acier tout en étant six fois plus légère, et son énergie à la rupture (la force dont on a besoin pour briser un matériau) est six fois supérieure au Kevlar, la matière que l’on utilise pour les gilets pare-balles.»
Moi araignée, je suis ton alliée
- Tapie au centre de ma toile, je guette la moindre vibration, signe d’une prise. Au jardin, je te débarrasse de nombreux insectes: mouches, moustiques, pucerons ailés, cloportes, papillon du chou… Autrefois, j’avais le gîte et le couvert dans les étables; les paysans avaient bien compris que je les aidais à soulager l’agacement de leurs vaches dû aux piqûres intempestives des mouches . Certains pensaient même que, grâce à mon aide, j’assurais une meilleure production de lait, les vaches étant plus apaisées … (mais cela reste à prouver).
- Certaines de mes cousines adoptent d’autres techniques de chasse:
- Les araignées-loups (lycoses) et les araignées pisaures pourchassent leurs proies à ras du sol parmi les herbes hautes.
- Les araignées sauteuses (saltises) bondissent sur leurs victimes.
- Quant aux araignées-crabes (thomises), elles chassent à l’affût: elles se cachent dans les fleurs dont elles miment les couleurs (jaune ou blanc) pour mieux se camoufler. Elles capturent ainsi des abeilles, des syrphes et des papillons. Je ne suis pas très amie avec ces consœurs car elles suppriment 3 auxiliaires de la lutte biologique dans ton jardin.
Moi araignée, j’ai besoin de ta protection
Ma population a tendance à diminuer. Aide-moi, je t’en prie:
- Offre-moi un refuge dans ton jardin: un tas de bois, quelques pierres, un coin de jachère, livré à la végétation spontanée, un paillis,… Attends le printemps pour couper les feuilles de ta consoude; j’apprécie d’hiverner sur ses feuilles.
- Ne coupe pas les plantes sèches à l’automne: moi, l’épeire, j’y fixe mon cocon.
- Je risque de mourir, si je suis épuisée ou si l’hiver est rigoureux. Je te confie mon cocon de soie qui abrite ma progéniture. Je t’en supplie, ne les détruis pas. Tu le trouveras accroché dans les arbres, sur les herbes sèches, sous tes rebords de fenêtre, et peut-être même sur ton portail. Je t’assure que mes futurs nouveaux-nés seront, une fois devenus des araignées adultes, une bénédiction pour toi, ami jardinier.
- Ami jardinier, apprends à ne plus me considérer comme une ennemie mais plutôt comme une amie. Je t’en supplie, épargne-moi, je ne veux que ton bien. Regarde-moi maintenant comme tu observes une coccinelle, un papillon, une mésange… Regarde-moi maintenant comme tu contemples un arbre, une fleur, une plante. Regarde-moi maintenant comme tu admires tout ce est vivant. Sens la paix mystique de tout être, profondément enraciné dans l’Être. Ô ami jardinier, laisse la nature t’enseigner la paix de l’âme.
La biodiversité commence au pas de sa porte, dans son propre jardin. N’agissons pas contre la nature, mais avec elle.
Nota: Au cours des premières années de ma carrière, suivant les conseils d’un de mes collègues, j’invitais les élèves à personnaliser leurs exposés, en se mettant à la place de la personne, de l’animal ou de la « chose » à défendre, afin que leurs propos soient plus pertinents, plus percutants. [Rappelons qu’à cette l’époque, il n’était pas dans l’air du temps de défendre les « choses » qualifiées de nuisibles]. Hélène, une fervente adepte de ce style, osait défendre des « causes indéfendables » (loup, ours, araignées, cafards, rapaces, mauvaises herbes…). Elle est devenue… avocate.
Espérons que mon « plaidoyer » vous aura convaincus !
#1 par Claudine à 21 mai 2019 - 13 h 33 min
Citation
Bonjour je lis et relis tout ce qui se rapporte aux araignées encourageant à ne pas les tuer et en énumérer toutes les qualités. Hé oui parce que j ai beaucoup de mal à ne pas en avoir peur. Une araignée sur le mur de la maison a l intérieur ou dans l évier me ferait presque tomber dans les pommes. Mes jambes sont toutes molles et des tremblements surviennent. J essaie de les maîtriser mais que c est difficile. Pourtant je ne les déteste pas, je n aime pas tuer non plus et encore moins vaporiser de l insecticide. Mais il m est arrivé d en voir 4 chez moi le même jour, et, si une copine n était pas venue à mon secours, j étais prête à rentrer chez moi, car j étais dans ôter résidence secondaire qui était ouverte depuis plus de 3 mois tout de même, j y vais très souvent. Tous les commentaires positifs, bien sur, m aident beaucoup. Encore merci. Il n y en a pas beaucoup. Je me suis améliorée mais pas encore suffisamment pour m éviter de trembler dès que j en vois une. Dans le jardin curieusement elles me font moins peur. Continuez de passer des messages ainsi afin que humains, araignées et insectes puissent mieux cohabiter et apprivoiser. Sur terre tout est utile ou presque.
#2 par JPP à 22 mai 2019 - 5 h 40 min
Citation
Bonjour,
Très beau récit. Merci pour ces bons mots. Cordialement. Jean-Paul
#3 par raymond à 23 septembre 2017 - 10 h 21 min
Citation
joli plaidoyer pour cette si utile alliee du jardin,architecte de plus,realisant de magnifiques toiles,je les adore ,combien de bombes insecticides ,elles remplacent sans nous polluer,ni detruire.J’espere Jean Paul que beaucoup de vos lecteurs tomberont sous leur charme grace a vous ,moi,je suis depuis longtemps un de leurs admirateurs
#4 par JPP à 24 septembre 2017 - 18 h 25 min
Citation
Merci Raymond,
Très sincèrement merci de tout cœur pour ces mots chaleureux. Cordialement. Jean-Paul